Alors que le major s'est terminé il y a de cela quasiment deux semaines, la rédaction avait eu l'opportunité de discuter avec Mathieu "Maniac" Quiquerez, sur place, à Copenhague, en ce qui concernait Counter-strike 2 et son actualité.

Peux-tu nous faire un retour d’expérience sur le major de Copenhague, comment as-tu vécu ce passage dans la Royal Arena ? Peux-tu nous partager ton avis sur l’organisation et les problèmes rencontrés par celle-ci durant le Major ?

Pour commencer, je trouve que les playoffs ont été d’un très grand niveau. Même s’il y a eu ces événements de contestation stupide, qui ont pris en otage l’événement tout entier. C’était dommage, évidemment. Au-delà de ça, c’est un show de grande qualité, les fans ont répondu présents. Par exemple, le premier jour des playoffs, c’était le meilleur jeudi que j’ai pu voir en termes d’affluence. L’ambiance était bonne, même si les équipes danoises n’étaient pas au rendez-vous. Personnellement, je connaissais la Royal Arena, je suis venu ici plusieurs fois, l’Arena est bien en termes d’ambiance et les danois sont un public de connaisseurs sur CS. Tout cela se ressent lorsque tu es dans la salle.

Avant de revenir sur CS2, peux-tu me dire quel moment te restera comme le plus marquant en tant que joueur puis en tant qu’analyste sur CS:GO ?

En tant que joueur, il y a des défaites qui restent, mais je pense que c’est les trophées qu’on garde en tête. Notamment, les DH Stockholm et Valence avec Titan et LDLC. Ces moments me restent en tête tout comme les playoffs de major, à Katowice, Cologne, Jonkoping, je n’oublierais jamais ces moments. Je pense qu’au moment où cela se passe, on ne se rend pas forcément compte de l’ampleur que cela avait, mais maintenant, avec du recul, je me rends compte que ces playoffs étaient quelque chose d’impressionnant. Après, d’un point de vue casteur/analyste, je pense que le retour en LAN après le covid a été assez fort, c’était assez intense, comme le major de Stockholm. En plus, c’était mon premier major au desk, c’était une vraie débauche d’énergie et beaucoup d’émotions. Mais sinon, je garde en tête le Bo5 en FaZe et Navi à Cologne 2021, qui part en cinq maps. C’était de la folie furieuse.


Maniac est passé par deux tags mythiques de l’ère CSGO : LDLC et Titan (c) Vakarm

Pour toi, CS2 était-il prêt pour un major ? Très critiqué à sa sortie, le jeu semble s’être rapidement transformé…

Si on veut trouver des choses à redire, je dirai que les crashs et bugs sont encore problématiques à mes yeux. Mais je trouve qu’effectivement, la qualité du jeu s’est beaucoup améliorée depuis la sortie du jeu. Au-delà des problèmes techniques, le jeu est en assez bon état actuellement, donc oui je suis satisfait de CS2 à l’heure actuelle. Le petit problème lié aux pieds qui s’accrochent quand tu sautes sur un muret avant de retomber, oui c’est problématique tout comme les compatibilités avec nvidia et les drivers… Mais je ne suis pas ingénieur. L’impact sur les joueurs pose effectivement problème, mais les conditions de jeu restent très acceptables de manière générale, le spectacle est au rendez-vous, c’est du beau CS qu’on voit jusque là à ce major.

Pour toi, est-ce un signe positif ou négatif de voir des playoffs de major se disputer avec moins d’outsiders ? Ces équipes surprises ne sont-elles pas partie intégrante du charme des majors ? Comment juges-tu le niveau global de la compétition ?

Je n’y vois pas trop d’inconvénients, les équipes qui pouvaient écrire de belles histoires étaient Mouz et Spirit, et ils ont eu leur chance. Je trouve vraiment que nous avions le plateau de playoffs idéal pour un major, on avait des équipes établies, et des équipes jeunes qui ont essayé d’aller chercher de grands résultats. Moi, je suis satisfait de ces playoffs.

Concernant le niveau de jeu, je trouve que le niveau est actuellement très très élevé. Je pense qu’entre Sydney [ndlr : la première compétition qui a eu lieu sur CS2] et Copenhague, il y a vraiment eu une énorme progression de toutes les équipes. Que ça soit en termes de teamplay, de protocoles, de jets de smoke et de flash… Comment utiliser les grenades dans les smokes mais aussi les joueurs qui ont évolué individuellement comme m0NESY et donk, ils ont vraiment passé un palier sur CS2 ! Les joueurs n’en sont plus à la prise en main du jeu, on ne pédale pas dans le yaourt, tout va très vite. Peut-être que la manière de jouer sera différente à Shanghai, c’est envisageable, mais je ne pense pas qu’il sera dramatiquement plus élevé.

On est loin du schéma « CSGO » et la période de domination de NiP qui dictait les évolutions en termes de playstyle pendant de longs mois…

Le jeu est déjà dans une meilleure position par rapport à CSGO au même moment. Global offensive a mis longtemps avant de devenir un jeu qui ne donnait pas envie de vomir (rires). La transition était beaucoup plus fluide cette fois-ci, le niveau de jeu est beaucoup plus élevé maintenant. Pour moi, nous sommes loin d’une domination à la NiP, les équipes du top vont probablement jouer à un jeu des chaises musicales encore quelque temps.

Qu’apporte le MR12 de ton point de vue d’analyste ? Les bo1 doivent-ils être mis de côté ?

Je suis assez d’accord avec l’abolition du bo1, c’est une discussion que l’on peut commencer à avoir. De mon point de vue, le MR12 est une réussite absolue. Les rounds sont plus intenses, les matchs sont plus courts, ce qui convient aux joueurs, aux spectateurs, à tout le monde donc ! Il n’y a que les puristes tactiques de CS qui voient davantage de profondeur dans le MR15, car il y a finalement plus de rounds armés et les leaders pouvaient mettre en place davantage de choses en termes de mindgame. Mais globalement oui, je suis 100 % pour le MR12.


Un zywoo malade a fait défaut à Vitality durant le major. (c) PGL

Quelle analyse fais-tu du jeu de Vitality actuellement ? Un Magisk ne manque-t-il pas à cette équipe ?

C’est assez difficile à analyser sans point de vue interne. Lors de ce major, il y a eu un manque évident de sang froid chez Vitality. Certains joueurs, comme ZywOo, n’ont pas forcément, à des moments clés, su step up dans leur jeu afin de stabiliser les situations. Après, il est possible de gagner un major sans avoir un jeu parfait. C’est ce genre de défaites qui vont te remotiver à long terme, surtout pour Dan. Je suis sûr qu’il est conscient qu’il y avait la place sur Inferno face à FaZe. Avec un peu plus de maîtrise, cette map peut te sourire. Après, je ne suis pas sur le TS. Est-ce qu’il y a eu une panique ? Est-ce que ça parle trop sur le serveur ? Pas assez ? Les gens s’écoutent-ils ? Y’a-t-il de mauvaises prises de décision ? Pour moi, il y a eu un manque évident de calme dans les moments tendus et des individus qui ont sous-performé.

Quand on connaît les standards de ZywOo, pour lui, c’est un major qui est raté. On sait qu’il était malade, c’est des choses qui arrivent, on est des humains, on ne va pas le rendre coupable de cette contre-performance. Pour moi, il fallait qu’il y ait un step up en playoff, et il n’a pas eu lieu. C’est censé être le point fort du fait d’avoir le meilleur joueur du monde dans ton équipe : il peut te sortir de la merde lorsque les choses se compliquent. Il n’a pas su le faire, et c’est regrettable. Ils ne doivent pas trop se prendre la tête pour le futur et continuer de travailler leur fond de jeu. Il faut qu’ils continuent le travail et l’amélioration du playbook quoiqu’il se passe. Il faudra qu’ils aient quelques conversations pour mieux gérer la pression. Je pense que c’est ça qu’il leur a fait défaut.

Ta proximité et ton manque de neutralité avec les francophones t’a été reprochés sur les réseaux sociaux, lors du cast sur ce major. Ce n’est pas la première fois que l’on entend ça dans l’esport. Peux-tu nous donner ton ressenti à ce sujet ? Cela ne fait-il pas partie du job ?

Ma position à ce sujet est très simple. Je trouve ça très bien que des gens, au cast, soient impliqués émotionnellement envers certaines équipes. Cela donne du relief à un show, cela permet aux gens de s’engager et se connecter ainsi que de transmettre des émotions plus intenses. Ce qui est important, c’est d’être conscient de son propre biais, il faut être honnête à ce sujet. Il faut également être capable de donner du respect aux équipes qui battent l’équipe que tu supportes, et ne pas faire preuve de mauvaise foi. C’est une question d’éthique de travail, comme pour FaZe qui a défoncé Vita, c’était propre, il faut le dire. C’est une règle d’or, il ne faut pas que ton biais affecte ton analyse, et les gens aiment ça de te voir voir connecté émotionnellement à une équipe, car je fais cet effort d’objectivité dans la victoire comme dans la défaite.

Après la première map contre FaZe, j’ai fait un long monologue concernant ZywOo et ma frustration le concernant. Je ne peux pas le défendre tout le temps, même si je suis d’avis de dire que c’est le meilleur joueur du monde. Je ne peux pas aller contre les faits parce que je le soutiens, c’est là que la limite doit être tracée quand tu supportes une équipe dans mon travail.

Qui dit nouveau jeu, dit aussi nouveaux spectateurs et talents. Anticipes-tu l’arrivée d’un public non connaisseur sur le stream ainsi que l’arrivée de nouveaux potentiels analystes qui viendraient concurrencer ton travail ?

Grosso modo, je dirais que je ne vais pas modifier grand-chose dans ma manière de faire. Ma façon de me préparer ou mon investissement, cela ne changera pas. Mon éthique de travail me force à donner le meilleur de moi-même, et ce, quel que soit le jeu. Il faut, je pense, embrasser cette nouvelle ère « CS2 » en évoquant l’historique du jeu lui-même sans continuellement aller chercher dans les archives de Counter-strike. C’est une nouvelle page, il y a de nouvelles équipes et de nouveaux joueurs, c’est mon idée, je veux contextualiser mes analyses vis-à-vis du jeu sur lequel nous jouons. On doit écrire l’histoire ensemble, cette année, il y a plein de premières fois dans de nombreux domaines, et cela est très important. Je ne changerai rien dans mon travail

C’est bien qu’il y ait des petits jeunes, la concurrence est bienvenue, c’est difficile de décrocher un contrat de travail dans ce milieu. Je n’ai pas le droit aux vacances, si je me repose un peu, on va me prendre ma place. Donc encore une fois, rien ne change dans mon implication.


Mathieu est aujourd’hui devenu incontournable au desk sur Counter-strike (c) BLAST