Lors du Six Invitational, nous sommes allés à la rencontre d'Alphama, analyste français du casting crew officiel de l'événement.

Alphama a répondu à nos questions à l'Invitational

Peu après qu'il a quitté Fnatic et annoncé la fin de sa carrière de joueur compétitif, Léo "Alphama" Robine est apparu à l'analyst desk du casting crew officiel de Rainbow Six en Six Major. Il disputait à São Paulo son premier Six Invitational à ce poste, et nous en avons profité pour l'interroger, entre-autres, sur ses nouvelles fonctions et la méta actuelle.

Tu es présents à ce Six Invitational en tant qu'analyste pour le stream officiel. Peux-tu nous parler de tes fonctions ? En quoi consiste ton job ?
Mon travail est de démocratiser des plays qui sont parfois très complexes sur un jeu qui est quand même extrêmement stratégique, à plusieurs niveaux. Mon but est de vulgariser ça pour que n'importe quel viewer qui souhaite s'améliorer sur le jeu le puisse, qu'il regarde le segment d'analyste et qu'il se dise qu'il peut le réutiliser de son côté chez lui, essayer d'apprendre quelque chose. C'est une partie du travail, que de démocratiser la stratégie du jeu, l'autre partie du travail est de présenter les équipes, de leur donner une identité, une couleur, raconter leur histoire, leur culture, afin de peut-être pouvoir aider un fan à choisir quelle équipe supporter. Cela fait du bien d'avoir une scène avec des équipes qui ont un style de jeu différent, des tempéraments et une identité fortes.

Tu as déjà occupé cette fonction en Six Major, mais c'est ton premier Six Invitational comme analyste. Toi qui en a disputé un, qu'est-ce que ça te fait de retrouver cet événement très spécial ?
C'est vraiment génial. Je l'ai fait il y a cinq ans, j'étais tout jeune joueur, là c'est la première fois que j'y retourne et c'est l'événement majeur sans aucun comparatif sur ce jeu, tout le monde le voit comme un championnat du monde. C'est donc magique d'y retourner, le faire au Brésil l'est encore plus. Quand tu vois la grande cérémonie d'ouverture, tu te dis toujours que tu aurais dû continuer à jouer, tu as envie d'être sur scène quand tu en vois une comme ça [rires].


Crédits : Ubisoft

J'y viens : avec le recul, as-tu selon toi pris la bonne décision pour ta carrière ? N'as-tu pas de petits regrets ? Vas-tu retourner à un poste plus "actif" un jour ?
Je pense que quand tu as goûté à la sensation d'être joueur professionnel, aux émotions et à la compétition, l'esprit d'équipe, les voyages et tout ça, c'est super dur, ça te manque toujours à un moment. Je ne regrette pas forcément car j'ai fait le meilleur choix pour ma qualité de vie et je suis heureux là où je suis aujourd'hui. Mais il y a forcément toujours au fond de moi une envie de compétition et une fois que tu y as goûté, forcément, tu n'es pas sevré, tu as envie d'y retourner. Si un jour je devais revenir, ce ne serait clairement pas en temps que joueur, mais dans un staff, comme coach je pense.

Le Six Invitational est donc cette année au Brésil, non pas le berceau de Rainbow Six, mais la terre où le jeu est un des plus prépondérants. Penses-tu que le public brésilien a un réel impact sur la tournure des matchs au Main Event de ce SI joué à domicile ?
C'est assez marrant parce qu'en plus, pour voir l'impact de la foule, sur le match G2 vs DarkZero, il n'y a qu'un seul brésilien, le leader in-game de G2, donc la foule prend son parti. DarkZero se fait éclater 2-0 et là tu as G2 vs w7m ou w7m est Brésilien, G2 n'ayant qu'un joueur brésilien, du coup tout le monde est pour w7m. Il y a une espèce de trend, tu vois que les équipes brésiliennes vont rouler sur tout le monde. Oui, l'impact de la foule est évident parce que les fans brésiliens font énormément de bruit, ils sont supers engagés, ils ont la culture aussi du fan. Mais, en plus de ça, de toute façon, le Brésil, avec FaZe et w7m, ont un temps d'avance sur tout le monde et c'était la grande finale à laquelle je m'attendais depuis le début du Six.

Au-delà du fait de la présence de ce Six disputé à São Paulo pour les équipes brésiliennes, il y a quand même une certaine hégémonie brésilienne qui s'est installée ces derniers mois voire années. Penses-tu que cela a commencé à changer à ce Six, que certaines équipes ont perdu du terrain et que le reste du monde commence à reprendre le dessus ?
Il y a eu un gros changement dans la méta avec le rework des grenades, que tu ne peux plus "cook", en plus de l'arrivée de nouveaux défenseurs ultra puissants, Azami, Fenrir, Solis, qui ont fait que le gunplay est devenu la clé du succès et que les équipes brésiliennes, qui étaient excellentes en gunplay, se retrouvent en haut de la méta, en plus d'être stratégiquement en avance sur tout le monde. Je pense qu'il y a une énorme compétition ici au Brésil, il y a vraiment une compétitivité qui fait que la qualité de leurs scrims et de leurs entraînements est inégalée par rapport aux autres régions. Je pense qu'au Six, on a vu quelques équipes brésiliennes vasciller un tout petit peu plus, mais elles ont clairement encore énormément d'avance sur tout le monde.

Tu parles de la méta actuelle, on a vu certains plays de Wolves et de G2 qui ont chamboulé la hiérarchie. Penses-tu que les Brésiliens peuvent se faire prendre à leur propre jeu sur cette méta et que le reste du monde, sur cette même méta, va prendre le dessus ? Il y a-t-il une petite faiblesse du Brésil ?
Le problème est que oui, les équipes brésiliennes légèrement plus faibles, tu peux aller les chercher sur ce terrain de jeu, celui de jouer uniquement autour des frags et du skill. Sauf que dès lors que tu commences à jouer sur leur terrain de jeu, tu aurais toujours une équipe brésilienne qui sera meilleure que toi à cela. Notamment w7m, c'est l'équipe avec aujourd'hui les meilleurs fraggers au monde, et elle arrive en plus à jouer avec une très bonne cohésion d'équipe, ce qui fait que si tu essayes de jouer à ce petit jeu là avec elle, tu n'y arrives pas. Le moyen de les battre, c'est stratégiquement, d'être suffisamment bon dans l'utility usage, dans la façon dont tu vas gagner un avantage avec tes gadgets, pour réussir à les battre dans les gunplays. Est-ce que tu as réussi à le flash, à utiliser un airjab sur lui, est-ce que tu l'as Lion, il s'est immobilisé et tu as pu gagner ton gunfight comme ça. En fait, le seul moyen de les battre en ce moment, c'est d'être sufisamment bon stratégiquement pour te mettre dans une situation où tu as un tel avantage que tu peux pas ne pas gagner ce gunfight. Mais c'est dur à faire.


Crédits : Ubisoft

Parlons désormais de l'esport R6 en général. Tu étais joueur, mais tu es analyste et a maintenant une vision un peu plus globale de la chose. Que penses-tu du circuit international ?
On a perdu un split, ce que je trouve un peu dommage, car je pense qu'ils faisaient du bien les trois splits. C'est vrai que tu reprends les ligues continentales ou nationales deux semaines seulement après la fin du Six. C'est vachement serré comme timing. Les équipes qui ne sont pas au Six ont le temps de faire des changements et de s'entraîner alors que les équipes qui ne sont pas au Six ont une semaine d'entraînement si elles veulent faire un changement. Overall, j'aime beaucoup le nouveau branding avec plein de ligues et le regroupement des équipes, je trouve qu'elles ont toutes un playstyle un peu différent donc je trouve que c'est super. Simplement, je pense que sur le format il faudrait peut-être un peu plus de downtime à la fin de la saison, après le Six.

Pour aborder le cas de la scène française, elle est un peu au point mort en ce moment. Hormis certains tournois mineurs comme la GA, comment raviver la flamme selon toi ?
Je pense que pour l'instant, le plus important c'est que tous les joueurs T2 qui essayent de devenir une équipe T1 essayent de jouer un maximum de ces nouveaux circuits mineurs cross-européen, le Central Combine ou les Malta Cyber Series, ce genre de choses par exemple qui leurs permettent d'affronter des équipes T1 en match officiel et de se montrer pour être pick-up derrière. Aujourd'hui, c'est vachement plus difficile, tu n'as plus cette histoire de "zero to hero" avec la possibilité de te qualifier à travers la Challenger League. L'important c'est donc te montrer que tu es une bonne équipe ou un bon joueur dans ces tournois-là. Sur ton tournoi national, malheureusement, tu te reposes vachement plus sur les lans communautaires, ce qui n'est pas mauvais en soit puisqu'on a tous commencé par là. Mais c'est vrai que maintenant c'est un impératif, tu es obligé de te déplacer en lan, te montrer et montrer que tu es bon. Faire du FaceIt FPL aussi, ce genre de choses.

L'interview touche à sa fin. Je te remercie pour le temps accordé et te laisse le mot de la fin.
C'est avec grand plaisir, cela fait des années que l'on se fait des interviews, cinq ans pour la dernière, la première d'il y a je pense six, sept ans [rires]. C'est toujours super cool de se revoir et de remettre un pied dans Rainbow Six. C'est vrai que depuis que j'ai arrêté ma carrière, je suis moins tout le temps dedans, je fais d'autres choses maintenant dans l'esport, mais du coup à chaque fois que je reviens, c'est un grand plaisir.