Carlos "Ocelote" Rodriguez Santiago, le fondateur de G2 Esports, a été interviewé par Travis Gafford en marge des All-Star de League of Legends qui se déroulaient à Las Vegas. Alors que son équipe continue à déchaîner les passions, entre le transfert de Caps et les allégations de débauchages, Ocelote apparaît toujours aussi détendu et garde son sens du verbe. G2, LEC, LCS NA, Caps ou salaire des joueurs... Voici la traduction de sa riche interview offerte par la rédac : 

 

 

Comment ça va depuis ton arrivée à Las Vegas ?

Super bien ! Juste à côté, il y a un tournoi de Call of Duty où une de nos équipes joue bien en ce moment. Et pour les All-Star, on a Caps qui joue. 

 

Tu as eu le temps de passer un peu de temps avec Caps ?

Non, pas encore. Quand je suis arrivé, il était en phase de draft pour jouer un ADC... Je ne sais pas ce qui est en train de se passer, peut-être que je vais avoir besoin de le faire jouer en ADC ! (rires)

 

Je l'ai interviewé et il m'a dit qu'il prenait du plaisir à jouer ADC.

Ah ! Peut-être qu'on va avoir besoin de recruter Nemesis du coup ! (rires)

 

Comme c'est toi qui a construit cette équipe, comment s'est déroulée l'inter-saison à titre personnel ?

Quand tu as de l'ambition et que tu veux construire une bonne équipe, l'inter-saison est toujours animée. Il faut être ouvert d'esprit et prêt à faire des heures supplémentaires. C'est ce qui est arrivé, beaucoup d'heures à réfléchir, de brainstorming, d'idées... Pour aboutir à ce que je pense être le meilleur scénario possible. Si on me posait la question, je ne changerais rien à notre roster. C'est une situation qui ne m'était jamais arrivée. Avant, il fallait toujours faire un sacrifice ou un compromis, que cela soit avec la région de résidence ou le prix d'un contrat. Je dirais qu'on s'en sort très bien, c'était le crime parfait ! Par contre, n'utilise pas cette phrase pour en faire le titre de ta vidéo ! (rires)

 

Sur l'analyse desk, Kobe comparait ce que tu faisais à Games of Thrones.

Je ne joue plus de manière professionnelle et quand je joue à League of Legends, je ne suis plus très bon. Mais l'inter-saison, c'est devenu ma midlane ! Et j'adore ça.

 

Pendant l'inter-saison, certains ont accusé ou reproché à G2 de faire du débauchage". Qu'est-ce que tu as à dire à ce propos ?

Je savais que tu allais me poser cette question, mais je n'ai pas eu le temps de m'y préparer ! Tout ce que je peux dire, c'est ce que j'ai déjà dit à VPEsports. G2 n'a rien fait de tout ça. On entend tout et n'importe quoi. Je peux comprendre pourquoi on peut dire ce genre de rumeurs. Je suis quelqu'un de très antipathique. Si ton meilleur joueur quitte ton équipe pour rejoindre le plus grand rival, c'est normal d'être salé, je comprends totalement. Mais ça veut dire que je suis aussi autorisé à me faire plaisir en retour sur les réseaux sociaux ! (rires)

 

Tu sais pourquoi les gens pourraient mal comprendre la situation et te faire ce genre de reproche ?

Au final, tout ce qui compte, c'est les faits. Si on se fait pénaliser, les gens pourront dire "Oui, tu as fait du débauchage". Mais il n'y a rien ! Et avec toutes les informations dont je dispose, je sais qu'il n'y aura rien. J'espère qu'avec le temps, j'aurai mes réponses, et qu'on saura le pourquoi du comment. Jusque-là, il faut être patient, et tu sais comment je gère ce genre de choses. J'aime me marrer et utiliser tout ce qui tourne autour de notre marque. On fera surement des tweets et des blagues à propos du débauchage. Tout ça, c'est du divertissement, et parfois, certains l'oublient. On va continuer à trigger les Fnatic qui sont parfois un peu trop salés. 

 

Tu cultives avec tes joueurs une certaine image de bad boy. Je me souviens il y a quelques années d'une intro avec tes joueurs qui jouaient un peu les gangsters. Vous vous êtes un peu calmés depuis, mais on dirait que tu vas de nouveau dans cette direction, notamment quand je vois tous ces fans de Fnatic que tu as frustrés. Pourquoi cette image ?

On ne pense même pas à se faire cette image de méchant. On aime juste s'amuser et les gens sont parfois un peu trop rigides. Trop de fun pour eux devient impoli ou pas acceptable. C'est notamment ce qui arrive quand ta fanbase a entre 8 et 12 ans ! (rires) 

 

 

Il y avait déjà en Europe une grosse rivalité entre G2 et Fnatic. En Amérique du Nord, on n'a plus vraiment de grosse rivalité actuellement. Je pense que ce qui arrive avec Caps a encore mis plus d'huile sur le feu.

J'ai une théorie, je pense que plus les gens achètent de maillots des Lakers, plus les gens achètent de maillots des Warriors. Quand tu vois quelqu'un porter le maillot de l'équipe que tu détestes vraiment, tu as envie d'acheter le maillot de l'équipe que tu adores. Ça crée de la rivalité, du matériel narratif, du drama... C'est très bien pour le divertissement et c'est ce que j'entretiens. Je respecte beaucoup Fnatic, et je les aime en tant que compétiteur parce qu'ils sont bons. C'est une bonne marque, qui a du contenu de qualité. Ce ne sont pas des parasites comme d'autres équipes que j'ai pu mentionner. Même après tout ce qu'ils ont pu dire, je ne leur en tiens pas rigueur. Je les aime en tant que compétiteur, comme Misfits ou quelques autres. Je veux qu'il y ait le plus de drama, mais contrôlés, entre nous.

 

Dans notre dernier échange, tu avais dit être pressé de voir la ligue européenne débarrassée de ses "équipes parasites". Que penses-tu des membres sélectionnés de la LEC ?

Le plus important est que tout le monde travaille vers le même but : faire de cette ligue la meilleure possible. Riot, toutes les équipes, les fans vont dans la même direction. Ce n'était pas possible avant, pas seulement en 2018 parce qu'il n'y avait pas de relégations. Mais avant, avec les relégations, tu investissais tes fonds pour avoir la meilleure équipe possible, tu ne pouvais pas investir pour créer du contenu. Pour cette raison, la création de la LEC est formidable.

Il y aura des équipes qui ne seront jamais top 3. Mais elles vont devoir s'équilibrer avec une bonne image de marque et du contenu, et j'adore ça. On veut des équipes uniques et différentes et c'est ce que vont générer les partenariats sur le long terme. Maintenant, pour les équipes qui font partie de la ligue, il faudra attendre que ça commence pour voir qui investira dans quoi. Mais comme on sait qu'on est partenaires sur la durée, on peut être plus ouverts et plus directs envers les autres. On pourra dire à quelqu'un qu'il n'en fait pas assez puisqu'on est partenaires. On peut avoir une discussion, avant, si tu faisais ça, on te répondait d'aller te faire foutre ! (rires)

 

En LCS NA, les propriétaires d'équipes ont parlé de la hausse des salaires des joueurs. Je suis curieux d'avoir ton ressenti sur ce sujet, j'ai cru entendre qu'un joueur, en LCS ou en LEC, se faisait deux millions de dollars par an. 

Je pense que pour une équipe, moins elle a de pouvoir, d'image de marque, d'histoire, de palmarès, moins elle a de marge de manœuvre et plus elle est obligée de payer pour avoir un très bon joueur. Parce que le joueur va se demander si l'équipe est capable de faire ce qu'il faut pour gagner, pour constituer une bonne équipe et aussi pour entretenir son image. S'il n'a pas de garantie, il va tendre à demander plus d'argent. C'est pourquoi les nouvelles équipes, qui n'ont encore rien prouvé, étaient obligées de surpayer leurs joueurs. L'erreur, c'est que des équipes qui n'ont pas besoin de surpayer se sont senties obligées de surpayer également. Au final, tu as ton budget et tu es le seul à décider si tu veux le dépasser ou non. Nous, on n'a jamais sous-payé, et on est au niveau du marché. On n'a jamais surpayé non plus, parce qu'on ne pense pas devoir le faire. 

 

On a quand même vu une bonne croissance des salaires avec la LEC.

Oui, il y a eu une augmentation. Mais je pense que c'est plus dû à l'Amérique du Nord qui surpaye plutôt qu'aux équipes européennes. Quelques équipes surpayent quand même, mais elles devaient le faire pour se faire connaître. C'est surtout l'Amérique du Nord qui fait la course, mais je comprends. Chaque région a ses hauts et ses bas, ses forces et ses faiblesses. Si tu veux prendre ta retraite, tu peux toujours aller jouer en LCS NA.

 

Est-ce que tu penses que le passage à la LEC a permis d'équilibrer les salaires avec l'Amérique du Nord ?

Tu peux essayer d'influencer la dynamique du marché, mais tu ne peux pas changer le fait que les investisseurs américains sont beaucoup plus agressifs que les investisseurs européens. En Europe, on fait attention et on évalue tout ce qu'on investit, alors qu'en Amérique, on fait plus confiance à l'industrie et au propriétaire. Ça lui donne, avec le CEO, plus de marge de manœuvre et plus de moyens. Dans l'esport, la plus grande partie de l'argent va dans les salaires. Du coup, la différence est liée aux dynamiques naturelles des deux marchés, on ne peut rien y faire.

 

Tu penses donc que les Américains payent toujours plus que la LEC ?

En moyenne, oui. Après, l'Europe est aussi très forte pour développer les talents. Peut-être aussi parce qu'il y a une plus grosse base de joueurs qu'en Amérique du Nord. Dans tous les cas, c'est beaucoup moins cher d'engager un joueur de 17 ans qui n'a que 700 fans sur Twitter. 

 

C'est moins cher que d'engager un champion du monde coréen...

Oui, comme il y a plus de moyens, l'Amérique du Nord va plutôt importer des joueurs accomplis que chercher des jeunes talents. C'est deux dynamiques de marché, et je ne m'inquiète pas à ce propos. Les deux ligues sont très fortes, notamment en termes d'audience. Je pense que l'Europe va exploser en 2019. Et le fait que l'Occident a très bien joué aux Worlds cette année a ravivé la flamme. Ça a attiré plein de nouvelles personnes.

 

Un dernier mot pour les fans ?

Je pense qu'à chaque fois, mes interviews avec toi se finissent pareil ! On aime s'amuser, on aime divertir. Parfois, on peut paraître arrogant, mais la vérité est que personne n'est totalement blanc ou noir. Toutes les équipes sont se comportent à peu près bien. La seule différence, c'est la dose de fun qu'on s'autorise ouvertement en public ! Même au bureau, c'est notre fonctionnement. Si on ne peut pas s'amuser, qu'est-ce qu'on fait ici ? Quand vous lisez un de mes tweets, ne soyez pas cyniques et lisez-le avec cette idée : "ce type essaye de s'amuser".